Pourquoi avoir choisi de traiter de l’insaisissabilité dans votre thèse ?

« Il peut paraître surprenant d’écrire une thèse sur l’insaisissabilité, tant finalement l’insaisissabilité peut rapidement se définir comme le caractère d’un bien qui ne peut être saisi. L’insaisissabilité est toutefois rarement analysée comme une notion. Son étude se limite traditionnellement à un inventaire des biens insaisissables. Une notion aussi importante, au cœur des procédures civiles d’exécution, rayonnant également sur le droit des biens, le droit des obligations, le droit des sûretés ou encore la procédure civile, méritait sans aucun doute une recherche approfondie.

L’analyse de cette notion, conduite sous la direction de Madame la professeure Soraya Amrani-Mekki, est devenue riche d’enseignements. Elle met notamment en lumière la véritable dimension de l’insaisissabilité, une dimension à la fois juridique, politique et sociale. La compréhension de la notion à travers sa fonction a ouvert des pistes de travail susceptibles d’intéresser non seulement le monde universitaire mais aussi les professionnels du droit. En ce sens, la thèse nourrit sans nul doute une réflexion plus profonde sur la conduite d’une politique de protection des personnes à travers la protection de leur dignité. »

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Pensez-vous que votre thèse pourrait alimenter la réflexion des magistrats ?

« L’insaisissabilité intéresse forcément les magistrats, les juges en place autant que les futurs juges. Le caractère transversal de la notion montre, qu’un jour ou l’autre, le magistrat pourra être confronté à l’insaisissabilité. En cela, la thèse, s’arrêtant sur la méthode d’interprétation des juridictions, peut être lue. Le rôle de la jurisprudence a été aussi mis en exergue, notamment les créations prétoriennes, ce qui, là encore, offre des outils de réflexion aux futurs magistrats. De manière prospective, la thèse qui - d’un point de vue procédural - souhaite qualifier l’insaisissabilité de moyen de défense au fond, ouvre la possibilité au juge d’opérer un contrôle de proportionnalité entre la mesure d’exécution diligentée et la dignité subjective du débiteur. Ce contrôle irait dans le sens, défendu par la thèse, d’une Justice sociale, d’une justice qui, sans délaisser les intérêts du créancier, s’arrêterait sur les réels besoins du débiteur. »

Quelles ont été vos motivations pour candidater au Prix de la recherche 2022 ?

« Le Prix de la recherche de l’ENM est l’un des prix de thèse les plus prestigieux. Avoir l’honneur de recevoir cette distinction est une très belle reconnaissance pour le travail accompli et un tremplin pour les idées que la thèse tente de défendre. Le souhait de clarifier la notion et le régime de l’insaisissabilité participe d’une volonté d’utilité et d’effectivité pour l’Institution judiciaire et, plus généralement, pour la Justice.

Plus encore, la thèse, décortiquant notamment les interprétations jurisprudentielles, s’appuie sur la fonction de l’insaisissabilité en vue d’assurer un idéal de Justice sociale, un idéal dans lequel l’exécutant et le magistrat ont un rôle à jouer. Cet idéal semble par ailleurs pouvoir offrir de solides bases de réflexion en vue d’une réforme des procédures civiles d’exécution. »

Quel a été votre parcours ?

« Mes 4 premières années de droit ont été réalisées au sein de la faculté de droit de La Rochelle. Avec l’intention d’embrasser une carrière universitaire, j’ai par la suite rejoint la faculté de droit de Tours où je suis ressorti major du DEA droit privé général. J’ai pu ici comprendre, sous les enseignements du professeur François Grua, que le droit, scientifiquement parlant, pouvait être appréhendé comme un jeu : un jeu où celui qui justifie son opinion est autant entendable que la position normalement admise. À regret, pour des raisons familiales, j’ai dû refuser l’allocation ministérielle qui m’était proposée en vue de poursuivre un doctorat. J’ai alors intégré une étude d’huissiers de justice en Charente-Maritime en qualité de stagiaire afin d’obtenir le diplôme. Mon maître de stage, Maître Philippe Hémart – à qui je dois beaucoup -, m’a appris l’organisation et m’a fait comprendre ce qu’était la probité. Et comme un clin d’œil du destin, je me suis installé, dès l’obtention du diplôme, au sein d’un office à Tours. N’ayant pourtant jamais abandonné l’idée de réaliser une thèse, je me suis attelé à publier des notes et commentaires de jurisprudence. Il m’a été aussi confié l’annotation du Code des procédures civiles d’exécution. En parallèle, je dispense des cours au sein de la faculté de droit d’Orléans et, en qualité de maître de conférences associé, au sein de la faculté de droit de Tours. L’heure était finalement venue de réaliser ce que j’avais dû laisser quelques années plutôt. »

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